Le système NICOLA
Le système NICOLA est un appareil de transmission par le sol mis au point en Isère par Graham NAYLOR, Paul MACKRILL et Paul RICE en étroite collaboration avec l'ADRASEC38, l'association NICOLA et la 3SI. Ce dispositif a été créé suite au décès accidentel de Nicola DOLLIMORE au gouffre BERGER. De son côté colonel PAPPALARDO chef du groupement de la Gendarmerie Nationale de l'Isère a oeuvré de son côté pour obtenir les autorisations nécessaires à l'utilisation des postes.
Vous trouverez ci-dessous l'article paru dans Spéléo Secours Isère - 1970-2010 ; 40 ans de secours souterrain - CDS Isère et 3SI paru en 2010 sous la plume de Benoît JOLY.
Parmi les évolutions du secours spéléologique, l'une des grandes innovations de ces dernières années fut 'amélioration des communications souterraines. Le premier système (le Généphone) nécessitait le déroulement de quantités impressionnantes de fil téléphonique, ce qui n'était pas sans poser quelques problèmes.
Avec le système NICOLA, développé suite à l'accident du Gouffre Berger en 1996, les communications spéléologiques sont entrées dans une ère nouvelle. Les liaisons peuvent s'établir rapidement ; les appareils de transmission peuvent se déplacer sous terre sans difficulté et permettent au Poste de Commandement d'obtenir des informations dans des délais très courts. Un médecin peut, à la profondeur de -800 m au Gouffre Berger, envoyer un bilan médical directement au Poste de Commandement. Il est aussi possible de suivre en direct la progression des équipes de recherche et la remontée de la civière. Ce système a été testé plusieurs fois lors d'exercices de sauvetage et bien sûr lors de secours réels.
Les équipiers « transmission » des équipes de secours sont des spéléologues capables de se déplacer rapidement dans la cavité, afin d'intervenir sans délais et ils maîtrisent parfaitement les systèmes de transmission filaires et sans fil.
Historique
A la fin des années 1980, des opérations de secours compliquées ont fait prendre conscience aux spéléologues de l'importance des moyens de communication sous terre. A la suite des opérations de secours de Pitcher (voir article sur les secours de Pitcher au Berger), le club anglais, très fair-play, offrit à la SSSI deux ensembles MOLEPHONE, matériel de communication sous-sol/surface couramment utilisé en Angleterre, avec démonstration effectuée par deux spéléologues anglais au Trou Qui Souffle. La portée (200m maximum) et la mise en place étaient assez complexes et il demanda beaucoup d'essais à la SSSI.
A la demande du Conseiller Technique, Albert Oyhançabal, et en rapport étroit avec l'ADRASEC38, plusieurs spécialistes se livrèrent à une série d'essais pour tenter d'obtenir de meilleurs résultats. Les essais n'améliorèrent guère le système. La SSSI ne le retint pas pour les communications sous-sol/surface. Il ne servit, prêté à quelques clubs de l'Isère, qu'à localiser et aménager quelques réseaux.
C'est en 1996 qu'un accident tragique, au Gouffre Berger, accéléra les évènements. Du 10 au 17 juillet 1996, 4 Hongrois et 2 Anglais furent bloqués dans le réseau en crue. Un Hongrois (Istvan Torda) et une Britannique (Nicola Dollimore) ont trouvé la mort et les autres membres furent sauvés de justesse.
Le compagnon de Nicola Dollimore, M. Nick Perrin, ainsi que les membres de leur club, offrirent alors une somme d'argent à la SSSI, en lui demandant d'affecter cette somme à l'équipement hors crue du réseau du Gouffre Berger. Mais c'est finalement à la recherche des moyens de communication sous-sol/surface, plus adaptés et plus fiables que les équipements du moment que le don de M. Perrin et de ses amis fut affecté. Ceci bien sûr après concertation entre Albert Oyhançabal, le conseil d'administration de la SSSI, M. Perrin et William Stead (rescapé de l'accident). De là est née l'idée de l'association NICOLA.
Dès le début, Graham Naylor, également ami de Nicola Dollimore et membre du même club spéléo, s'est senti concerné par ces discussions.
Le 25 janvier 1997, à l'initiative de France Rocourt, une réunion se tient aux établissements grenoblois Petzl, avec des radioamateurs suisses, britanniques et français (dont l'ADRASEC38) pour échanger leurs expériences respectives. Les Suisses travaillaient sur les courants telluriques et étaient les plus avancés, avec un système de radio opérationnel (envoi d'un signal de type MORSE). Mais ce système ne permettait pas une fabrication de série à moindre coût.
Très rapidement, Graham Naylor, Paul Rice et Paul Mackrill se mettent au travail, avec la participation très active de Jean-Jacques Fauchez (ADRASEC38), pour la mise au point et la fabrication de matériel radio, qui s'appellera plus tard le SYSTEME NICOLA.
Les besoins en matériel sont alors couverts par l'association NICOLA, en collaboration avec la SSSI et chaque prototype radio donne lieu à de nombreux essais dans les grottes de Bournillon, Gournier, TQS et Gouffre Berger.
Ces essais sont réalisés par des bénévoles de la SSSI, de l'ADRASEC38 et des spéléologues isérois.
Dès le début, il a été décidé de développer un système radio dont les plans seront du domaine public, pour éviter toute prise de brevet et rendre ainsi le système accessible à tous les acteurs du secours spéléo.
L'association NICOLA (loi 1901 dont les statuts sont déposés à la préfecture de l'Isère) a pour but de : « Développer des moyens pour améliorer la sécurité
des personnes en sous-sol, en particulier pour la pratique de la spéléologie. ». L'association focalise son énergie sur le développement du système NICOLA, qui est né de cette étroite collaboration entre l'ADRASEC38, trois ressortissants britanniques, résidents de l'Isère, et la SSSI.
Plus tard, Albert Oyhançabal demande à Graham Naylor de mettre les plans du système NICOLA à la disposition du Colonel Papalardo, patron du Groupement de Gendarmerie de l'Isère (par ailleurs diplômé ingénieur SUPELEC). Après une réunion très constructive au Groupement de Gendarmerie à Grenoble, les spécialistes radio de la Gendarmerie fabriquent les premiers prototypes miniaturisés du NICOLA 2 et dotent les PGHM de Grenoble et d'Oloron Sainte Marie de postes NICOLA. C'est à cette occasion que le Colonel Papalardo a pu obtenir très rapidement l'autorisation d'émettre sur la fréquence d'utilisation du NICOLA auprès des autorités des télécommunications d'alors.
C'est ainsi que le PGHM de Grenoble, engagé dans le réseau en crue des Vitarelles, pourra, grâce au système NICOLA, communiquer avec la surface et permettre à Graham Naylor de préciser avec exactitude la position du forage à effectuer. Personne n'avait encore employé cette technique en sauvetage.
Aujourd'hui, à chaque expédition dans le Gouffre Berger, un système NICOLA est mis à disposition, moyennant caution. Les spéléologues disposent ainsi d'un moyen d'alerte en cas de problème météorologique.
Fonctionnement du système Nicola
C'est une application moderne des bons vieux principes de la Transmission Par le Sol : deux électrodes espacées de plusieurs dizaines de mètres plantées dans le sol. Le signal transportant la voix des spéléologues trouve son chemin en traversant la roche et le poste radio qui se trouve en mode réception détecte alors ce signal. On utilise un émetteur/récepteur BLU super hétérodyne à 86,9 KHz.
Dès les premiers instants de l'opération de secours, les postes NICOLA sont installés aux emplacements stratégiques : un en surface et l'autre sous terre près de la victime.
Chaque poste est composé de :
- l'émetteur/récepteur ;
- une alimentation double à piles lithium ou un coupleur pour 10 piles format LR06 ;
- un coffret pour le transport de type pelicase, résistant à l'humidité ;
- deux antennes composées chacune d'une quarantaine de mètres de fil et de tresse électrique pour parc à bestiaux enroulés sur un gabarit en PVC ou en bois ;
Le système NICOLA nécessite une installation des antennes, point critique de l'installation radio.
Ces antennes sont installées de chaque coté du poste en maximisant l'écart entre les contacts avec la terre des deux antennes. La qualité de la liaison et la portée du signal dépendent entièrement de la nature de la roche et de la qualité de l'installation. Avec une roche homogène et compacte (Urgonien, Malm, etc...) on peut atteindre 1000 mètres de distance, alors que l'on sera vite limité (200 mètres) avec des roches moins homogènes.
SSSI, Nicola et ADRASEC 38
Les liens tissés entre les associations SSSI et NICOLA, au cours de plus de 10 ans d'aventures souterraines communes, ont débouché sur une collaboration étroite en ce qui concerne les transmissions lors des secours spéléos. Alors qu'en surface, c'est l'ADRASEC38 qui gère la mise en place des transmissions, sous terre les équipes SSSI et NICOLA sont au coude à coude pour tester et documenter les transmissions radios.
Ensemble ils élaborent donc des Fiches Transmissions pour les cavités, les plus fréquentées et/ou accidentogènes de l'Isère. Le principe est de faire des tests radios NICOLA entre plusieurs points des cavités et la surface et de retranscrire tous les résultats sur les Fiches Transmissions. Ces fiches sont alors accessibles aux CT lors des opérations de secours. Ils savent ainsi s'ils peuvent ou non obtenir de bonnes communications radios et comment les obtenir.
Aujourd'hui, lors des stages organisés par la SSSI et lors de tous les exercices de secours, des membres des associations NICOLA et ADRASEC38 sont présents pour former les spéléologues à l'utilisation du système radio et les informer. C'est ainsi que la dernière opération effectuée par le
trio SSSI, NICOLA et ADRASEC38 les a conduit dans la grotte de Gournier, le lundi 30 mars 2009. Lors de cette sortie radio/spéléo, de nombreux points de contacts radios ont pu être validés en sous-sol, mais aussi en surface.
Au final, ils ont obtenu un plan de positionnement pour les radios, qui lors des opérations de secours facilitent la tâche et fait gagner un temps précieux : en effet, en plus de la topographie de la cavité et des cartes détaillées des environs, les Conseillers Techniques sont désormais en possession des fiches transmissions, qui leur permettent d'établir des communications sûres entre plusieurs endroits de la cavité et la surface.
Lors de l'exercice du 13 juin 2009 à Gournier, 4 appareils NICOLA étaient installés sous terre, répartis le long de la galerie et à proximité de la victime; le système NICOLA ne pouvant être capté directement au PC, 2 équipes positionnées sur le plateau de Presle recevaient les messages émis par les postes situés sous terre. Une liaison radio assurée par l'ADRASEC38 renvoyait une transcription de ces messages au PC. La liaison entre le sous-sol et la surface était de bonne qualité, puisque les postes ont été positionnés d'après la Fiche de Transmission. Les membres de l'ADRASEC38 ont même été sous terre pour tenir des postes radio.
En Conclusion, la rapidité et la facilité de mise en oeuvre du système NICOLA sont ses points forts car c'est dans les premiers instants d'une opération de secours que l'on a le plus besoin d'avoir des informations précises et fiables. En cela, le NICOLA remplit pleinement sa mission ; mais la version NICOLA 2, qui est utilisée en spéléo depuis maintenant 10 ans, souffre de quelques limitations. L'association NICOLA travaille à l'améliorer avec le projet NICOLA 3. Plus petit et plus efficace, ce nouveau NICOLA sera compatible avec l'ancien et on l'espère moins cher.